Par le petit bout de ma lorgnette, Ep 6

Par le petit bout de ma lorgnette - Chronique de Jean-Yves Duval
Par le petit bout de ma lorgnette - Chronique de Jean-Yves Duval

Lettre à Kylian Mbappé, joueur talentueux du PSG

Cher Kylian,
Tu pardonneras j’en suis sûr cette familiarité, non dénué
cependant du respect et de l’admiration que l’on doit à la star
du ballon rond qui nous fait tous rêver.
En même temps qu’on a appris que tu avais signé pour trois
nouvelles années au PSG, on a découvert le pont d’or que te
versait le club Franco-Qatari. Près de cinq millions d’euros par
mois, à quelques décimales près. A vingt-trois ans seulement tu
es vraiment le gendre idéal.
Fort de mon diplôme de 1 er cycle de mathématiques
élémentaires j’ai sorti ma calculette afin de réaliser une petite
expérience, non pas de physique quantique, mais financière, ou
plutôt bancaire.
Sachant, selon l’INSEE, que cinquante pour cent de la
population salariée française gagne moins de deux mille euros
par mois j’ai voulu savoir combien d’années de travail
représenterait ton salaire annuel pour un citoyen lambda. Je ne
te cache pas que j’ai dû essuyer ma lorgnette à deux reprises et
me pincer trois fois l’oreille pour m’assurer que je ne m’étais
pas emmêlé les pinceaux dans les chiffres. Mais le résultat était
là et s’affichait devant mes yeux sur l’écran à cristaux liquides :
l’équivalent de deux mille ans ! Un tel chiffre donnerait le vertige
à n’importe quel banquier qui n’aurait pas assez de sa vie pour
te verser les intérêts du capital.
Ainsi donc cher Kylian, un an de ton salaire équivaut au travail
de deux mille années d’un honnête employé de COVEA (la
compagnie d’assurances dont le siège est situé, ici au Mans).

Je suis d’ailleurs au regret de te dire que ma calculette, qui est
étalonnée sur l’ère chrétienne, a déclaré forfait pour établir le
compte de tes primes de fidélité et autres droits à l’image. On
m’a conseillé de m’adresser à l’observatoire de Meudon pour
les calculs astronomiques.
Sachant ce que tu as déjà gagné depuis quelques années, et si
l’on tient compte de ce que tu vas amasser au cours des
prochaines années, on peut raisonnablement penser que les
revenus tirés de sa carrière footballistique correspondront
quand viendra l’heure de prendre ta retraite (qui ne sera pas à
65 ans, je m’en doute) au salaire d’une dizaine de personnes
ayant travaillé pendant trois mille ans, ou encore d’une centaine
durant trois siècles. De quoi faire pâlir de jalousie tous les
marchands que le Christ a chassé du Temple, comme nous le
conte le Nouveau Testament.
Sachant que l’ère chrétienne remonte à un peu plus de deux
mille ans, on se dit que le vrai miracle, il est là ! Inutile d’aller à
Lourdes implorer la vierge Marie, mieux vaut être dans la
tribune au Parc des Princes pour t’admirer, toi le dieu vivant du
foot.
Si l’on songe que le Christ, toujours lui, dans un geste
messianique, a multiplié cinq pains en cinq mille et deux
poissons pêchés dans le lac de Tibériade, en un nombre
comparable pour nourrir les personnes affamées (Evangile
selon St-Mathieu, chapitre 15, verset 32 à 38) imagine un peu
la quantité de franchises de boulangeries et de poissonneries
que tu pourrais ouvrir et du même coup le nombre de démunis
que tu nourrirais grâce à elles.
Ce serait miraculeux, non ? La générosité a cependant ses
limites et pour être un dieu du stade tu n’en restes pas moins
un homme, comment te le reprocher ?

Article précédentDAMS en manque de réussite à Monaco
Article suivantLe groupement de Créateurs , nouveau dispositif de la Mission Locale !