Autant vous l’avouer, j’admire la ténacité et l’opiniâtreté de ceux qui ne
lâchent rien, ne s’avouent jamais vaincus et refusent la fatalité.
L’abandon est souvent tentant, mais tellement médiocre en plus d’être
lâche. C’est pourquoi l’histoire de Liang Shi mérite d’être contée car elle
fait partie de ces éclats de vie révélateurs du tempérament de chacun
d’entre nous.
Liang Shi vit dans le sud de la Chine, il a 56 ans et on peut dire qu’il a
réussi dans la vie grâce à son entreprise de construction prospère. Ce
millionnaire pourrait s’estimer heureux mais Liang Shi ambitionne avant
tout de réussir sa vie et pour cela encore faut-il qu’il décroche son
gaokao, l’équivalant chinois du baccalauréat. Il s’est présenté vingt-six
fois à l’examen et cette année encore, pour la 27 ème fois, il a échoué,
quand ça ne veut pas, ça ne veut pas !
Or Liang Shi a un rêve, celui d’intégrer l’université du Sichuan, la région
où il vit, et pour cela il s’est imposé durant de longs mois une « vie
monacale », allant jusqu’à réviser douze heures par jour, mais le 23 juin
dernier il a découvert que son nom ne figurait toujours pas sur la liste
des candidats admis au fameux sésame.
Toute autre personne que lui aurait jeté l’éponge, se rendant à l’évidence
que les études n’étaient pas faites pour lui. Mais c’est mal connaître
Liang Shi, qui a décidé de se représenter l’année prochaine pour la
vingt-huitième fois consécutive. On ne peut pas dire qu’il manque de
suite dans les idées. Sitôt la décision connue il a d’ailleurs indiqué : « Si
j’arrête de me présenter au gaokao, chaque tasse de thé que je boirai
pendant le restant de ma vie aura un goût amer ». Philosophie de
Confucius, ou pas, je lui tire mon chapeau, et ma révérence en prime.
Cette histoire m’a rappelé quelqu’un de mon entourage familial qui avait
embrassé la carrière d’inspecteur de l’Education nationale et qui à l’âge
de la retraite s’était mis en tête de reprendre des études à l’université
alors que tant d’autres préfèrent les balades en camping-car, la pêche à
la ligne à l’ombre d’un saule pleureur ou la belotte entre amis. Résultat,
trois ans plus tard il pouvait s’énorgueillir d’avoir obtenu une licence de
lettres modernes, démontrant qu’il n’y a pas d’âge pour s’instruire et qu’à
choisir, mieux vaut mourir cultivé que riche au cimetière. Confucius disait
cela autrement : « Lorsqu’on se cogne la tête contre un pot et que cela
sonne creux, ça n’est pas forcément le pot qui est vide ». A chacun de
fait le test et de méditer cette maxime. Je vous souhaite de belles
vacances estivales.