Ouverture de la chasse, une journée de m … !

Par le petit bout de ma lorgnette - Chronique de Jean-Yves Duval
Par le petit bout de ma lorgnette - Chronique de Jean-Yves Duval

Chasse

Vendredi dernier marquait l’entrée dans l’automne, saison annonciatrice
de la cueillette des champignons, et deux jours plus tard c’était jour de
liesse pour les millions de chasseurs de l’Hexagone.

Je ne pouvais faillir à cette tradition ancestrale et armé de mon fusil
Hammerless, calibre 16, accompagné de Marcus mon fidèle Epagneul
normand, je partis de bon matin arpenter prairies, labours et bosquets à
la recherche du gibier à poil et à plumes qui bientôt garnirait ma
gibecière.
Las, je n’avais pas parcouru deux kilomètres le nez au vent qu’un garde-
chasse, arborant fièrement sa plaque de la Fédération départementale,
exigea de voir mon permis ainsi que l’attestation d’assurance afférente.
Décidemment, maugréais-je, même un dimanche il faut encore être
contrôlé. Dans quel monde vivons-nous !
Cette formalité exécutée, et ma bonne humeur n’ayant pas été entamée
pour autant, je repartis le cœur léger pour traquer et débusquer lapins,
perdreaux et autres faisans. L’été très sec ne facilitait pas le travail de
Marcus dont le flair d’ordinaire était exceptionnel, il n’avait pas son pareil
pour reconnaître l’odeur d’un poulet qui rôtissait dans le four.
Sur le coup de midi je rejoignis quelques compagnons affublés, eux
aussi, d’une chasuble des Ponts et chaussées (on était loin de l’époque
où les chasseurs se croyant dans les Aurès portaient la tenue léopard et
la casquette Bigeard) au relai de chasse où nous attendait un savoureux
déjeuner, copieusement arrosé de quelques bonnes bouteilles de
Bourgueil et de Chinon, suivies d’un (ou deux ?) verre de Cognac.
Pour être franc, une petite sieste aurait été la bienvenue afin de dissiper
les vapeurs d’alcool amoncelées au-dessus de ma tête, ou plutôt de mon
chapeau tyrolien orné d’une jolie plume de geai.
Mais il était écrit que ce n’était pas mon jour de chance. A un petit quart
d’heure de là, au détour d’une futaie, je tombai nez à nez avec deux
pandores en maraude. A ma grande surprise, celui qui portait les
sardines de brigadier sur sa manche d’uniforme, sortit de sa poche un
éthylotest et m’intima l’ordre de souffler.
Sans rire ! Un contrôle d’alcoolémie sur un piéton, en rase campagne ?
« C’est la nouvelle règlementation et nul n’est censé ignorer la loi ! »
m’asséna doctement le représentant de la maréchaussée « et cela vaut
aussi pour les substances illicites, avez-vous fumé du cannabis ? »
Cette question offensante eut l’art d’indigner Marcus qui se soulagea
aussi sournoisement que subrepticement sur le pantalon du
verbalisateur. Celui-ci dû éprouver une sensation de chaleur, puis de
froid, sur le mollet, mais il sût rester stoïque, l’auteur du délit quant à lui
s’était éclipsé après cet acte de bravoure et de résistance à l’oppression.
Testé plus de 0,5 gramme, mais moins de 0,8 g, le brigadier me délivra
une contravention tirée de son carnet à souches en me disant « estimez-
vous heureux car je pourrais saisir votre arme, on ne chasse pas en état
d’ébriété ! ». J’eus droit en prime à un sermon dont je retins que de
nombreux féminicides étaient accomplis à l’aide de fusils de chasse et
que 9% des accidents de chasse étaient liés à l’alcool, d’où cette
nouvelle règlementation.
Ces paroles eurent le don de me dégriser, j’étais furax, dégoûté. Ce
dimanche qui devait être une journée de fête se transformait en
cauchemar. De dépit et de rage, je lançai en l’air mon chapeau et à
défaut d’un pigeon le pris pour cible. Mon couvre-chef, acheté lors d’un
voyage en Autriche, fût foudroyé mortellement d’une cartouche de
plombs de 7 et de son cadavre encore fumant je ne sauvai que la plume
de geai.
Une vraie journée de m …. !

 

 

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