Kolhantess, une exhibition indécente ?

Par le petit bout de ma lorgnette - Chronique de Jean-Yves Duval
Par le petit bout de ma lorgnette - Chronique de Jean-Yves Duval

Kolhantess à Fresnes, une exhibition indécente.

Fin août, dans la torpeur de l’été a surgi, comme venue de nulle part,
une polémique sur les sorties récréatives dans les maisons d’arrêt et
centrales.
Pour les français honnêtes, respectueux de la loi, la prison est à la fois
une sanction, il s’agit de punir l’auteur d’un délit ou d’un crime, une façon
de payer sa dette envers la société et les victimes, et une manière de
préparer sa réinsertion par le travail une fois la peine purgée, en
participant à des ateliers manuels, voire en poursuivant des études.
En aucune façon la prison n’est là pour offrir des loisirs aux détenus, en
dehors des cours de récréation et des salles de sport. Comment dès lors
être surpris du tohu-bohu, du charivari, du tollé médiatique consécutif à
la découverte de l’organisation dans l’enceinte de la prison de Fresnes
d’un « Kohlantess », jeu inspiré de la célèbre émission de télévision.
Pourquoi ne pas avoir plutôt organisé un remake de « La grande
évasion » avec Steve Mc Queen ?
Déjà qu’une grande majorité de français estime que les prisonniers
vivent aux frais de la princesse dans des palaces cinq étoiles, comment
pourraient-ils accepter de les voir faire des courses de karting et
patauger dans une piscine hors-sol ?
C’est bien sûr oublier que les locaux de la plupart des prisons sont le
plus souvent vétustes, que l’état des cellules est déplorable, dégradé, et
que la surpopulation carcérale est dénoncée régulièrement par les
défenseurs des droits de l’homme.
Or si la prison est là pour sanctionner, elle n’est pas là pour humilier et
faire vivre aux détenus des conditions de vie inhumaine. Nous ne
sommes plus fort heureusement au Moyen-Âge, l’époque des célèbres
« plombs » de Venise, où Casanova fut enfermé dans les
combles du palais des Doges, est révolue. Ils ne sont plus qu’une
destination touristique.

Mais comment ne pas comprendre que les images diffusées à la
télévision aient été perçues comme choquantes par nos compatriotes, à
un moment ou un enfant sur trois ne part pas en vacances par manque
de moyens financiers, et que beaucoup d’autres n’ont eu droit au cours
de l’été qu’à une journée de détente au bord de la mer, grâce aux
bénévoles du Secours Populaire ?
Comment s’étonner après cela que l’extrême-droite ne s’élève contre
ces « colonies de vacances » ou centres de loisirs pénitentiaires ?
Comment être surpris de la réaction de certaines victimes et de leurs
familles pour qui ces images sur le mode de « la croisière s’amuse » ont
été reçues comme autant d’insultes à leurs souffrances ?
Apprendre qu’un des participants à ce Kohlantess avait violé sa
conseillère en intérim il y a quatre ans, et s’était évadé de prison, est
choquant, révoltant, et si Eric Dupont Moretti a été dans une autre vie
avocat il ne doit pas oublier qu’il est aujourd’hui ministre de la justice,
garde des sceaux, et comme tel chargé de veiller à la bonne marche de
l’institution pénitentiaire et qu’elle n’ajoute pas un nouveau trouble à
l’ordre public. Et qu’il « plaide » n’avoir pas été informé, ne l’excuse pas
pour autant.
Avoir des parloirs dignes de ce nom pour recevoir les familles, multiplier
les ateliers pour favoriser la réinsertion des détenus et permettre par le
travail d’indemniser leurs victimes, rénover les locaux insalubres, oui.
Mais non à des exhibitions du genre de celle de ce « Kolhantess ».
Une telle provocation, dans le contexte actuel d’insécurité et de précarité
est indécente.

 

 

westnews.fr

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